samedi 22 octobre 2011

The Artist - Michel Hazanavicius (2011)





L'avant-première d'un film au Grand Rex, quand même, c'est quelque chose.

(Je précise ce détail parce qu'il risque d'avoir son importance dans ma vision du film : je crois au final avoir plus aimé l'ambiance de la soirée d'avant-première au Grand Rex que le film lui-même).

Petit topo de rappel : le film raconte l'histoire d'un acteur de films muets qui sombre doucement dans l'oubli suite à l'avènement du parlant.

D'abord, le jeu de Jean Dujardin : je l'ai trouvé un peu trop forcé dans la première partie du film, celle où George Valentin, le personnage principal, est encore au sommet de sa gloire. Oui, c'est un film muet, impossible de s'exprimer par la parole, donc tout passe par des gestes, des regards, des mimiques. Seulement, qui dit gestes-regards-mimiques ne dit pas gesticulations et grimaces. Je m'attendais à un jeu plus subtil (dans la première partie du film du moins), plus digne du prix d'interprétation masculine en somme. J'ai trop retrouvé le même sourire ultra-bright à la Jean-Dujardin-quand-il-joue-un-personnage-orgueilleux, et ce de façon étrangement continue, fixe, presque permanente et étonnamment identique à chaque fois (comme si on appuyait sur un bouton invisible "sourire glorieux" qui déclencherait toujours l'exacte même expression sur le visage d'une machine). On pourrait presque croire à une marionnette figée dans le bois par moments. Et quoi de moins expressif qu'une marionnette ? D'un autre côté, cela peut donner un air tellement étrange au personnage qu'il en deviendrait presque intéressant juste sur ce point. Quoiqu'il en soit, sur le coup du premier visionnage du film, cela peut laisser une assez mauvaise impression. 

Jean Dujardin est bien plus convaincant dans la seconde partie du film, lorsqu'il joue l'irrémédiable déchéance de son personnage. Le drame lui va bien, à Jean Dujardin ! J'en ai été agréablement surprise ne l'ayant vu que dans OSS 117, 99 Francs, ou... Brice de Nice (j'aurais peut-être été moins étonnée si je l'avais vu dans Le Bruit des Glaçons). Son jeu devient là plus... discret, il semble faire un peu plus confiance en les qualités d'observation et d'interprétation des spectateurs. Il n'en rajoute pas. Il est précis et juste. Convaincant et intéressant en somme, ni plus, ni moins. Pas de fioritures inutiles pour faire comprendre

Concernant Bérénice Béjo : convaincante et un peu plus "humaine" dans son jeu que Jean Dujardin (dans la première partie du film). Elle arrive à faire ressentir une certaine fragilité de son personnage. Je dis chapeau d'ailleurs : je ne suis pas sûre qu'il y ait quoique ce soit de plus difficile à exprimer sans aucune parole. Et puis la joie est jolie à observer sur son visage et dans ses yeux, et le désir timide qu'elle éprouve pour George Valentin est subtilement joué. Elle ne tombe jamais dans l'excès, bref : elle est excellente dans ce film.

Pour le reste, j'attends avec impatience de voir un jour le film qui surpassera Sunset Blvd. de Billy Wilder en matière de déchéance impossible à accepter d'un acteur (et plus généralement de difficulté à appréhender la fin, qu'il s'agisse de n'importe quoi). Ce film n'est certainement pas The Artist de Michel Hazanavicius, mais ce joli muet nous montre tout de même quelques belles choses : la deuxième partie du film est, à mon avis, la plus intéressante et la plus réussie. Quelques scènes m'ont même particulièrement touchée au point de presque m'en faire oublier les quelques autres couacs (la danse imaginaire de Bérénice Béjo avec la veste de George Valentin, pleine de poésie ; la scène entre Goerge Valentin et Bérénice Béjo dans ce superbe escalier piranésien comme métaphore de la chute de l'un face à l'ascendance de l'autre ; apercevoir Malcolm McDowell même furtivement fut assez sympathique également)

Au final, je le conseille à tous les curieux d'une autre forme d'expression cinématographique (ou même d'autres formes d'expression tout court). Le muet n'est pas "novateur" mais l'utiliser au XXIème siècle peut permettre d'ouvrir une brèche vers un autre chose : pourquoi ne pas voir le cinéma autrement que comme la vision basique que l'on peut en avoir, i.e. celle d'une histoire plus ou moins intéressante jouée par des acteurs plus ou moins doués, tout cela montré aux spectateurs par le truchement d'une caméra ? The Artist a au moins le mérite de nous donner envie d'arrêter les bavardages, et de revenir à l'essentiel.